Usage des hydrolats en famille
Conférence donnée à Grasse en 2013 : Phyt’Arom Grasse, Congrès International d’aromathérapie et plantes médicinales.
Michel Vanhove
L’utilisation des hydrolats ou eaux distillées en parallèle avec l’usage des huiles essentielles devient de plus en plus populaire ces dernières années. Notre étude portera sur leur historique, la notion de qualité et de son utilité en usage dans la famille.
D’où vient le nom: «hydrolat»?
Certains auteurs pensent que le nom ‘hydrolat’ vient de «hydro» et « latte » (eau et lait) du fait de l’aspect laiteux de certaines eaux distillées (par exemple Matricaria recutita hydrolat).
Dans les faits, le nom ‘hydrolat’ a été nommé pour la première fois en 1825 par le pharmacien A.Chéreau dans son livre «Nouvelle nomenclatura » ( 1*), en voulant rendre le langage des médicaments plus clair «… il paraît en résulter une classification plus simple, plus méthodique des médicaments. ».
Chéreau explique : «Le terme hydrool, qui a été choisi pour exprimer l’eau à l’état d’excipient, vient du grec eau. …mais pour le mot hydrool j’ai doublé la voyelle, afin d’éviter l’homonymie avec le terme hydraulique, qui tient à la science connue sous ce nom »… »Les hydroolats sont les eaux médicamenteuses qu’on obtient, au contraire, par distillation ; exemple, les hydroolats de rose, de laitue, de sureau, etc. ».
Nous retrouvons ce nom, simplifié à « Hydrolat » dans le livre de Béral 1830, comme synonyme pour «eau distillée» (2* ), il sera ensuite repris dans les pharmacopées de Guibourt (3*) , Bourgoin (4*) et de Dorvault (5*).
Définition des hydrolats:
On donne, en pharmacie, le nom d’eaux distillées et mieux d’hydrolats à l’ eau chargée, par distillation, des principes volatils des plantes. (*5, page 633)
Dans les pays anglo-saxons et ensuite dans quelques pays en Europe un autre nom est apparu depuis quelques années:
« Hydrosol ». L’origine de ce nom est attribué à différents auteurs (6*) mais n’est apparu dans aucune Nomenclature Pharmaceutique. Ce nom est malgré tout devenu pratiquement le nom officiel désignant les «eaux distillées», malgré le fait que le mot « Hydrosol » se réfère à la dispersion de particules solides dans une solution colloïdale aqueuse , comme précise le jugement de la Cours Fédéral dans le cas Novartis versus Eon (*7).
Petit rappel historique: (*8)
Nous trouvons des textes décrivant la distillation par exemple dans les Flandres dès 1266 chez Jacob van Maerlant de Damme, décrivant la distillation descendante du genévrier. L’auteur vante l’usage de l’eau de rose (*9).
Bruges (Brugge) était à l’époque le centre commercial non seulement de la laine et des textiles mais aussi un centre de l’alchimie et Jan van Eyck distillait toutes sortes d’huiles pour créer les produits et vernis servant à la peinture à l’huile.(*10)
Durant des siècles un intérêt particulier a été porté de la part des distillateurs, pharmaciens, alchimistes puis parfumeurs à l’égard des eaux distillées.(11*). Le livre de Johannes Brunschwig de 1500 (*15) posera la base de cette science et sera cité puis traduit dans plusieurs langues, dont le Néerlandais par l’imprimeur flamant Van Der Noot à Bruxelles en 1517 (*12)
Pour comprendre cet engouement il suffit de reprendre la définition de ces produits qui a été le mieux énoncé par Herman Boerhave en 1728 (13*): Il décrit les huiles essentielles comme formées de deux éléments :
- Un principe résineux, brut, insoluble dans l’eau (Mater).
Invariable et commun à toutes les essences…
- Un principe très subtil, à peine pondérable, éthéré et peut-être gazeux (Spiritus rector).
Ceci constitue les propriétés odorantes et aromatiques, particulier à chaque plante, caractérise les huiles essentielles, soluble dans l’eau et communique aux eaux distillées son odeur, sa saveur et ses propriétés.
Par suite du principe admis de la solubilité dans l’eau du « spiritus rector », les eaux distillées devaient résumer les propriétés actives des arômes volatils des plantes. Nous pouvons en déduire que la majorité des auteurs et chercheurs considéraient les hydrolats comme supérieurs aux huiles essentielles.
Voici comme le distillateur John French Cooper le décrit :
« Nous voyons alors que cette Eau contient l’eau élémentaire et préside l’Esprit de la plante, un Esprit petit en quantité mais riche en propriétés, exhibant l’odeur spéciale du sujet (la plante). …et produit ainsi les propriétés médicinales de ses Eaux… » Cooper, The Complete distiller, 1757 (14*)
Les premiers auteurs parlant des eaux distillées sont :
Hieronymus Brunschwig (1500). (*15)
Le livre fondateur de l’hydrolatherapie !
Quelques hydrolats distillés par Brunschwig:
Philippi Ulstadii 1559 (*16);
Walter Hermann Reiff (Ryff) (1556) (*17)
Nous voyons aussi que les auteurs sont encore bien imprégnés par la recherche de la «Quintessence», puisqu’ils distillaient toutes les matières végétales, pommes, poires, cerises etc., le sang humain , l’urine et «autres substances subtiles», parfois après des «digestions» et «circulations», après des fermentations et des putréfactions…
Certains auteurs préconisent des cohobations, l’ajout d’alcool, aussi bien dans les pharmacopées ou livres destinés aux parfumeurs.
L’apogée des hydrolats :
L’apogée de l’utilisation des hydrolats en pharmacie se situe entre 1697 ( Lemery) (* 18) et 1880 ( Bourgoin ) (4*)
Les auteurs faisaient les distinctions suivantes entre les «Eaux »:
Division entre eaux distillées :
Les aromatiques:
Badiane Illicium verum Hook F.
Les inodores
Bourache Borago officinalis L.
1983 :Henri Viaud : premier livre en France qui relance l’intérêt pour les hydrolats (* 19) en détaillant :
-Qualité, Aspect, Odeur, Couleur, conservation, leur composition et leur usage.
Production et qualité d’un hydrolat en 2013 :
Les pharmacopées et codex en France ( Bourgoin 1880*4, Brissemoret 1898*20 Dorvault 1908) *21 préconisaient des règles encore applicables aujourd’hui: